Rue Lhomond

            

              Instrumentum laboris

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En fait, une situation peu courante, il s'agit d'un numéro qui ne correspond pas à une ouverture quelconque sur la rue Lhomond, c'est celui de la façade latérale d'un bel immeuble dont l'entrée se situe au 1, place de l'Estrapade. Jusqu’en 1846, la place de l’Estrapade n’apparaissait pas sur les plans de Paris. C’était plutôt un lieu-dit formé par la rue des Fossés-Saint-Jacques, la rue de Postes (pas encore Lhomond) et la rue de la Vieille Estrapade.  L’ordonnance du 5 juin 1846 mit à l’alignement ce carrefour.

▶ Ici se trouvait au XVIe siècle un jeu de paume, dit le "Jeu de Paume du Grand Braque" (ou "Grand-Braque-Latin" afin de le différencier d'avec celui de la rue du Temple nommé "Jeu de Paume de Braque"). Rabelais le cite dans Gargantua : "Ensuite, pendant trois bonnes heures, on lui faisait la lecture. Cela fait, ils sortaient, toujours en discutant du sujet de la lecture, et allaient faire du sport au Grand Braque ou dans les prés; ils jouaient à la balle, à la paume, au ballon à trois, s'exerçant élégamment les corps, comme ils s'étaient auparavant exercé les âmes". Vraisemblablement, le jeu de paume s'étendait alors jusqu'à la rue des Irlandais.

▶ La maison appartenait naguère à l'Hôtel-Dieu, puis en 1602 au notaire Charles de Saint-Vaast, ensuite à Gabriel de  Loynes, Marquis de la Coudraye, puis à Rousseau des Bordes et en 1743 à la famille Mollet, maréchal des logis de la Reine.

▶ C’est ici, de 1764 à 1766 que l’un des plus éminents graveurs et fondeurs de caractères de son temps, Pierre-Simon Fournier, dit "le Jeune", 1712-1768, après avoir inventé le "prototype" (outil permettant le réglage précis de la force de corps d'un caractère) et, ce qui se nommera ensuite le "Point Fournier" (qui permet d'attribuer un nombre de points à la force d'un caractère) se met  à graver sur acier des lettres de fonte et les premiers corps de caractères qu’il utilise ensuite pour composer et imprimer les 2 volumes du "Manuel typographique utile aux gens de lettres & à ceux qui exercent les différentes parties de l'art de l'imprimerie" vendus chez J.G Bardou, rue Saint Jacques, qui fit longtemps autorité. La consultation du 1er volume du "Manuel typographique" est possible sur le site de Jacques André qui en a établi un fac-similé téléchargeable en pdf (cliquer ICI ou sur la vignette gauche), ouvrage dans lequel sont d’ailleurs détaillées les questions du  "prototype" à la page  187 (227 du pdf)  et celles liées au "point" à partir de la page 125 ( 165 du pdf).

En 1924 la maison Monotype commercialisa la fonte Fournier, disponible aujourd’hui au format numérique (cliquer ICI ou sur la vignette droite).

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▶ A partir de 1772, l'ensemble fut acquis par le maître charpentier Sylvain Moreau qui fit construire le bel immeuble actuel ouvrant sur la place de l'Estrapade et donnant à la fois sur la rue du même nom et la rue Lhomond et qui coexistait avec le jeu de paume situé à l'arrière.

▶ Dans les années 1850, y résidait le grand spécialiste de la Chine qu'était Stanislas Julien, professeur au Collège de France (chaire de langue et littérature chinoise et tartare-mandchoue) et membre de l'Académie des inscriptions et belles lettres.

▶ Pour la petite histoire, la série à succès "Emily in Paris" diffusée à l'automne 2020 sur Netflix a été pour partie tournée dans le quartier, l'appartement de l'héroïne étant situé dans cet immeuble.

▶ S’élevait d’abord ici, autour de la seconde moitié du XIXe et du début du XXe siècle, un établissement d’enseignement, "Institution Roger Momenheim" préparant au baccalauréat, dirigé par le docteur Claverie. Georges Duhamel, romancier et médecin, membre puis secrétaire perpétuel de l’Académie française, y passa son bac.

Ce fut ensuite, l'"Institution Royer", tenue un temps par Antoine Léandre Sardou, père de l'auteur dramatique et Académicien Français Victorien Sardou, après qu'il a quitté la région Cannoise à la suite de déboires climatiques ayant anéanti sa plantation d'oliviers.

C'est seulement en 1867 que la rue des Postes deviendra la rue Lhomond et pourtant il y a un lien avec Antoine Léandre Sardou qui écrivit plusieurs manuels de grammaire dont deux se réfèrent explicitement à Charles François Lhomond ("Eléments de la grammaire française, par Lhomond, revus et corrigés" et "Premiers exercices français sur la grammaire de Lhomond", tous deux publiés en 1836).

L’annuaire Didot Bottin de 1928 montre que c’est alors un hôtel qui occupe les lieux et plus tard, ce sera l'immeuble moderne d'habitation actuel.

Annuaire Didot-Bottin (i) 1894 à gauche et (ii) 1928 ci-dessus

▶ Nous sommes-là au carrefour des rues d'Ulm et Lhomond, au n°3 est établi un cabinet d'architecture et au n°5, au rez-de-chaussée d'un immeuble moderne construit en 1968, un petit supermarché de quartier a remplacé vers 2012-2013 une brasserie.

Du 1 au 5

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A la jonction des rues des Fossés Saint Jacques, des Postes (Lhomond) et de la Vieille Estrapade (Estrapade), faisant partie de l’enceinte de Philippe-Auguste se trouvait la porte Papale ainsi qu’en atteste les Lazare (voir biblio #H3, page 205), quant à Géraud (voir biblio #H15 p 354), il affirme que l’hypothèse la plus raisonnable quant à cette dénomination, qui remplaça celle de porte Sainte Geneviève, est  "pour faire honneur au Pape Eugène III, lorsqu’il vint à l’abbaye de Sainte-Geneviève en 1147".

La porte Papale (ex-porte Sainte-Geneviève)

Plan Bonardot ou plan de la Tapisserie (1540)

Agrandissement du plan Bonardot

Cliquez sur la vignette pour voir le plan en ligne

Dans le passé, il y avait deux débits de boisson, tant au n°3 qu'au n°5, où on trouvait aussi, en étage du n°5, une agence immobilière. Toujours au n°3, il y eut aussi les Editions Jean-Michel Place - désormais 12 rue Pierre & Marie Curie -  qui publièrent diverses revues érudites, comme Gradhiva ou Genesis.